ZEP : une Zone d’Expression Prioritaire pour donner la parole aux jeunes

Au cours de ce printemps 2023, Emmanuel Vaillant, directeur et co-fondateur de l’association, se rend régulièrement avec son équipe de journalistes, Porte de Clignancourt à Paris, au lycée Rabelais, un établissement à l’indice de position sociale le plus faible de la capitale : « C’est un lycée qui a une histoire compliquée et qui accueille des publics socialement très défavorisés. On travaille actuellement avec neuf classes, presque la totalité du lycée pour permettre aux élèves de nous raconter leur quotidien sur tous les sujets qui leur importent ».

L’origine de la ZEP

La ZEP est un projet né de la rencontre entre deux journalistes déterminés à faire entendre la voix des jeunes générations. Edouard Zambeaux était producteur de l’émission Périphéries diffusée sur France Inter et consacrée aux habitants des quartiers populaires. Emmanuel Vaillant était rédacteur en chef à l’Étudiant et a notamment animé le blog « 2012 est à vous » pour faire entendre la parole des jeunes pendant la campagne présidentielle. Leur constat commun fut sans appel : les jeunes qui se manifestaient pour prendre la parole avaient toujours le même profil, socialement et scolairement favorisés et ayant déjà acquis une certaine légitimité à s’exprimer.

Partant de ce constat, la ZEP assume rapidement le fait de s’adresser à celles et ceux qui « ont tant à dire, mais du mal à le faire ». Edouard Zambeaux et Emmanuel Vaillant se retrouvent donc autour de cette volonté de donner les outils à ces jeunes pour qu’ils puissent raconter leurs réalités et leurs quotidiens.

« Les jeunes vont produire un récit avec nous, explique Emmanuel. Un récit qui aura une valeur journalistique parce qu’il s’appuie sur des éléments très factuels. Et par là-même nous leur permettons d’améliorer leurs compétences d’expression écrite et orale. On va parler de ce qu’est une narration, comment construire un angle, comment déployer un champ linguistique, etc. ».

Un récit plus grand que soi

Les jeunes participant aux ateliers sont amenés à choisir un sujet à partir d’une expérience de vie. Au lycée Rabelais, les lycéens vont ainsi raconter la pression des notes, l’impact de l’inflation sur le quotidien de leur famille, les effets du trafic de drogues dans leur quartier, le harcèlement de rue ou les pratiques culturelles et sportives qui leur permettent de retrouver confiance et de s’extraire de leur quotidien.  « Ta petite histoire raconte une réalité beaucoup plus vaste que tu ne le crois a priori. On ne cherche pas les histoires les plus sordides ou les plus extraordinaires, mais celles qui font écho à des réalités sociales ou sociétales qui donnent à lire l’époque et les jeunes. Se raconter permet aussi de prendre une distance avec telle ou telle problématique vécue » souligne Emmanuel Vaillant.

Au terme de ces cycles d’ateliers qui se déploient sur cinq séances, une sélection de récits seront publiés en novembre 2023 dans un supplément de Libération à l’occasion des 50 ans du journal. Un recueil sera également édité pour publier tous les récits des élèves. Le message derrière ce projet est clair : prendre au sérieux la parole de ces jeunes, c’est aussi lui donner de la visibilité et la médiatiser. Cela est possible grâce aux partenariats que la ZEP a noué avec plusieurs médias : une page par mois dans Ouest-France, une double page par mois sur Libération, mais aussi des articles réguliers sur Konbini, Le HuffPost et Phosphore.

Un déploiement soutenu par la Fondation

Financé pendant trois ans par la Fondation 29 Haussmann, la ZEP est soutenue sur l’année scolaire 2022/2023 par la Fondation d’entreprise Société Générale C’est vous l’avenir.  « Ce soutien nous a permis de nous déployer et de développer 30 nouveaux cycles d’ateliers d’écritures et de podcasts, raconte Emmanuel Vaillant. Cela nous a aussi permis de renforcer notre maillage territorial en Ile de France, en Occitanie, en Bretagne, en Auvergne, en PACA et en Pays de la Loire. C’était vraiment un enjeu important pour nous d’arriver à déployer le réseau des journalistes qui animent les ateliers sur des territoires très différents, urbains, périurbains et ruraux, pour donner à lire et entendre les jeunes dans toute leur diversité. »

Crédits photos : la ZEP