Play International : le sport comme levier d’innovation sociale majeur
Pendant cette période encore fortement marquée par un besoin de distanciation sociale, de nombreux enfants restent isolés, causant de fortes conséquences psycho-sociales et un besoin urgent de recréer du lien, de retrouver une vie en société. Play International souhaite prouver que le sport peut avoir son rôle à jouer pour répondre à cette crise.
L’histoire commence à être familière (surtout si vous avez lu nos articles sur Drop de Béton, Rejoué, Entrepreneurs du Monde ou Ares) : une association voit ses activités entièrement stoppées avec l’annonce du confinement, elle se questionne, s’adapte, et innove comme pour refuser que cette crise sanitaire ne soit qu’un événement négatif de son année.
Un rôle à jouer
Play International a toujours eu une conviction forte : le sport est un puissant levier d’innovation sociale. Cette association, anciennement connue sous le nom de Sport Sans Frontières, mène depuis 1999 des actions en Afghanistan, au Burundi, à Haïti, au Kosovo, au Sénégal et en France avec pour mission de faire émerger, à travers le sport, des solutions collectives pour permettre l'éducation, l'inclusion et le bien-être de chacun.
David Blough, directeur exécutif de Play International depuis plus de 7 ans, va découvrir qu’à l’heure du COVID-19, le rôle à jouer de son association est double.
D’un côté la sédentarité et l’inaction physique est la quatrième cause de mortalité d’après l’OMS et il est important de remettre les enfants en activité.
Mais de l’autre, il y a une urgence à travailler sur le lien social, sur la coopération, sur le vivre ensemble.
A l’approche du déconfinement, nous nous sommes rendu compte qu’il n’existait pas beaucoup de jeux sportifs qui étaient à la fois coopératifs, qui permettaient aux enfants de jouer ensemble et de créer du lien, tout en respectant les consignes sanitaires.
David Blough, Directeur Exécutif Play International
Il s’agissait d’abord d’un pressentiment : le sentiment qu’il manquait quelque chose et qu’ils étaient éventuellement en mesure d’y apporter une solution.
« On s’est dit que l’on avait peut-être un rôle à jouer, explique David. Mais avant de se lancer, nous avons d’abord décidé d’aller voir ceux qui sont sur le terrain ».
Play International organise donc une visio-conférence avec une quinzaine d’éducateurs et professeurs des écoles avec la volonté de les faire parler, de les écouter et de découvrir quels étaient leurs besoins pédagogiques.
« Nous voulions les impliquer dès le début du projet pour concevoir des contenus qui soient vraiment utiles pour les enfants ».
C’est lors de ces échanges qu’ils prennent pleinement conscience des problématiques d’isolement et de lien social coupé. Le besoin des éducateurs confirme l’intuition de l’association : il est difficile de proposer des activités physiques et sportives aux enfants avec des mesures sanitaires aussi contraignantes.
La mallette « post-confinement »
Les équipes de Play International se mettent alors au travail et imaginent une série de jeux coopératifs respectant la distanciation sociale.
« C’était un peu une action coup de poing, précise David Blough. Créer une activité est habituellement un processus assez long chez nous. Là on a eu les premières séances de jeux moins de trois semaines après notre visio-conférence avec les éducateurs ».
Les tests permettent d’affiner très vite les règles du jeu pour s’assurer que les enfants s’amusent et bougent tout en ouvrant des portes pour travailler sur la thématique du vivre-ensemble.
Le résultat, ce sont trois jeux aux objectifs bien différents avec « Dis m’en plus sur toi », ils apprennent à mieux connaître leurs camarades, avec « Le code secret » ils développent leur esprit de coopération et avec « À fond pour le collectif » ils doivent donner le meilleur d’eux-mêmes pour leur équipe.
La décision est aussi prise d’ajouter un petit questionnaire qui permet aux enfants de partager et exprimer leurs émotions ressenties pendant cette année si particulière.
La mallette est immédiatement mise à disposition du plus grand nombre puisque l’association fait le choix de la rendre librement accessible depuis son site web (lien : https://www.play-international.org/kit/scolaire/div-mallettepc ), à condition de se créer un compte gratuit.
La « Playdagogie » au service du vivre ensemble
Les retours ne se font pas attendre. De nombreux enseignants expérimentent les jeux proposés par Play International qui répondent à leurs promesses : proposer de l’activité physique et recréer du lien tout en respectant les impératifs sanitaires.
Leur plus belle récompense, David Blough la partage avec le sourire : « on a plusieurs professeurs des écoles qui nous ont dit que les enfants réclament ces activités tous les jours. Quand ce sont les enfants qui réclament… on sait définitivement que l’on a gagné ! »
L’autre « bonne nouvelle », c’est que de nombreux éducateurs ont partagé que ces jeux pourraient continuer de fonctionner indépendamment du COVID-19.
« Il s’agissait d’une réponse d’urgence, explique David. Mais on est déjà en train de voir comment adapter ces contenus à d’autres contextes, peut-être aussi à l’international ».
Ce projet de mallette post-confinement est ainsi représentatif de la nouvelle orientation prise par l’association depuis 2012 : la volonté de se concentrer sur l’ingénierie pédagogique et créer des contenus qui pourront ensuite se diffuser à travers le monde.
Cette « Playdagogie » (comme ils la nomment) est l’axe de collaboration prioritaire de leur partenariat avec la Fondation Société Générale, faisant passer à l’échelle leurs programmes sur tout le territoire avec un focus sur le vivre ensemble.
Le bénéficiaire au coeur du projet
Comme pour de nombreuses autres organisations, cette crise sanitaire et économique a bousculé Play International dans ses fondamentaux.
« On parle beaucoup de l’opportunité de se réinventer après une période comme celle-là. Ce n’est pas une formule complètement galvaudée puisque l’on a vu qu’avec cette contrainte extrême on avait du s’adapter ».
Cela rappelle même à David Blough l’origine de l’ONG dans sa dimension humanitaire avec des activités originellement concentrées sur des zones de guerre ou de catastrophes naturelles.
« Et c’est dans ces contextes-là où les contraintes sont extrêmement importantes que l’on se rend compte que l’on peut innover parce qu’il y a une urgence sanitaire ou sociale ».
Beaucoup d’acteurs ont découvert cette notion d’innovation frugale, du système D qui vient du terrain. Je trouve que c’est important de remettre en question son modus operandi. Cela permet de bien garder en tête la finalité de l’association. De se rappeler que le bénéficiaire doit être au coeur du projet.
David Blough, Directeur Exécutif Play International
Play International tient à garder ce questionnement à l’esprit alors que l’association est en pleine croissance. La période aura donc été l’occasion de se reposer les bonnes questions et de se conforter dans sa mission centrale : apporter des réponses éducatives pour que l’on puisse mieux coopérer demain dans des situations inédites.