Lumières sur l’info : bien s’informer, c’est aussi bien s’orienter dans la vie

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En 2023, Lumières sur l’info expérimentait au sein d’une classe de 3ème le parcours « #TropMytho », visant à rendre les jeunes acteurs de la lutte contre les infox. La Fondation d’entreprise Société Générale C’est vous l’avenir a décidé de soutenir ce projet, qui bénéficiera bientôt à près de 500 élèves en Ile-de-France.

En 2016, à Courcouronnes, en banlieue parisienne, un duo de journalistes rencontre un groupe de jeunes âgés de 14 à 17 ans. Ces derniers sont convaincus que les attentats qui se sont produits quelques mois plus tôt à Paris n’ont pas réellement eu lieu. Les journalistes remontent à la source de cette fausse information et échangent avec les jeunes qui comprennent qu’ils ont été trompés par de fausses informations. Lumières sur l’info était né.

Portée par un collectif de journalistes professionnels, l’association agit sur deux fronts : en ligne, par le biais de vidéos et tutos visant à déconstruire fake news et théories complotistes, mais aussi dans les écoles, via des ateliers d’éducation aux médias. Depuis 2022, Lumières sur l’info a décidé d’étoffer sa présence auprès des jeunes en leur proposant le programme #TropMytho.

#TropMytho : un parcours pour rendre les jeunes acteurs de la lutte contre l’infox

Proposer des ateliers d’éducation aux médias à l’école, c’est bien. Mais rendre les jeunes acteurs de la lutte contre la désinformation, c’est mieux ! Comment ? En leur proposant de participer à #TropMytho, un parcours de 7 ateliers de 2h, encadrés par un professeur et un journaliste référent. Au fil du projet, les jeunes choisissent le sujet ou la théorie du complot qu’ils souhaitent déconstruire. Ils se documentent, enquêtent, écrivent le reportage, le tournent puis le montent pour en faire une petite vidéo destinée à être partagée sur leurs propres canaux sur les réseaux sociaux.

Isabelle Elice, professeure documentaliste a expérimenté ce projet en 2022-2023 dans son collège à Marcoussis, en Essonne, avec des élèves de 3ème : « Nous avons travaillé avec des jeunes qui incarnent l’Éducation Nationale dans toute sa beauté : il y avait notamment des élèves ULIS*, une élève primo-arrivante allophone, un élève à haut potentiel, une élève en décrochage scolaire… Et dans ce groupe hétérogène, chacun a trouvé sa place, son rôle » indique l’enseignante. Stéphanie Lachëvre, journaliste référente de l’association Lumières sur l’info, précise : « Lors de ces ateliers, on sent assez vite le potentiel de chacun dans la narration d'une histoire et dans le traitement d'une information. Certains sont très à l'aise à l'oral et peuvent donc facilement incarner le journaliste. Ceux qui le sont moins filment, cherchent les infos, ou font le montage. Chacun apporte quelque chose ».

Le journaliste Alexis Cécilia-Joseph, a lui aussi suivi les jeunes pendant ces trois mois. Il raconte : « Nous avons posé le constat ensemble que les théories du complot et les fake news étaient partout autour de nous. Nous en avons listé et avons lancé les élèves sur différentes idées. Certains ne s’attendaient pas à réaliser un « vrai travail de journaliste » mais ils ont fini par se prêter au jeu et ont montré de plus en plus d’intérêt au fil des séances ».

Lumières sur l'info photo

Parmi les sujets choisis par les jeunes, trouvés sur leurs réseaux sociaux : « L’uniforme de retour en France ? », « Les musulmans sont-ils responsables de la sécheresse de 2022 ? », ou encore « Les gauchers meurent-ils plus jeunes ? ».  Au travers de ces sujets, les jeunes se sont exercés à différencier une information d’une opinion ou d’une rumeur. Ils ont appris à rechercher les informations et à les décrypter. « Les élèves se sont appropriés leur travail car ils ont tout fait, du choix du sujet au montage, en passant par la recherche documentaire et les interviews. Au final, même si les contenus produits sont imparfaits, ce sont leurs bébés et ils en sont fiers » raconte Isabelle Elice. D’autant que le 31 mars dernier, ils ont eu la visite de Sonia Backès, Secrétaire d’État à la citoyenneté et de Bertrand Gaume, préfet de l’Essonne.  Quelques semaines plus tard, une séance de restitution leur permettait de présenter leur travail devant un jury constitué de parents, de la cheffe d’établissement et de la présidente de l’association Lumières sur l’info. Des étapes importantes au cours desquelles les jeunes réalisent le chemin accompli et éprouvent un sentiment de reconnaissance et de fierté, essentiel pour leur donner envie de partager leurs contenus sur les réseaux sociaux et contribuer ainsi à lutter largement contre les fausses informations.

Développer l’esprit critique, apprendre à travailler ensemble

« C’était bien de chercher à démontrer à quel point les fausses informations peuvent servir aussi de propagande... Je vais être plus vigilant ! » témoigne Sacha, l’un des élèves du groupe.

Pour la professeure documentaliste, cette expérience a été très positive tant elle a permis de développer l’esprit critique des jeunes, leurs valeurs citoyennes et leurs savoir-être :  travailler en équipe, écouter l’autre, trouver sa place, aller au bout d’un projet exigeant… « Surtout, les jeunes se sont rendus compte qu’ils pouvaient devenir acteurs de leur apprentissage » indique Isabelle Elice, qui note également que cette expérience a fait évoluer sa relation avec les élèves : « Il y a maintenant une reconnaissance de mon métier, un respect des projets menés au CDI*.»

Développer l’action en Ile-de-France

Après cette expérimentation réussie, l’objectif de Lumières sur l’info est désormais d’étendre ce dispositif à une vingtaine de classes en Ile-de-France, en priorité pour des élèves en Quartiers prioritaires de la politique de la ville*. L’association souhaite qu’un maximum de jeunes, en collèges, lycées, lycées professionnels, bénéficient de ce programme, « parce que bien s’informer, c’est aussi bien s’orienter dans la vie » selon Damien Fleurot, vice-président de Lumières sur l’info, et rédacteur en chef adjoint chez TF1. « Nous avons d’ores et déjà repéré les journalistes qui accompagneront les classes » indique-t-il. « Nous n’avons pas de mal à trouver des volontaires car les journalistes sont intéressés par ces échanges avec les jeunes. Pourquoi ne suivent-ils plus les médias traditionnels ? Nous sommes challengés : on doit évoluer tant dans notre pratique que dans les sujets traités, dans la façon de les traiter… ». Le journaliste souligne aussi l’enjeu d’ouvrir une profession encore trop élitiste et de faire découvrir le métier à des jeunes aux profils variés.

 

*ULIS :  Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire. Les ULIS sont des « dispositifs ouverts » pour la scolarité des élèves en situation de handicap. Elles permettent à des élèves de suivre des apprentissages adaptés à leur potentiel pour répondre à leurs besoins et leur permettre d'acquérir des compétences sociales et scolaires.

*Les Quartiers dits « prioritaires » de la politique de la ville (QPV) sont les territoires où s’applique la politique de la ville, qui vise à compenser les écarts de niveau de vie entre ces quartiers et le reste du territoire. Ces quartiers sont ceux où les revenus sont les plus faibles.

*CDI : Centre d’Information et de Documentation.