A l’ère de la distanciation sociale, l’action de proximité gagne du terrain

Depuis 25 ans, l’association Drop de Béton organise ses actions au pied des immeubles.

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D’après leurs propres mots, ils veulent « rééquilibrer le match de la vie » en apportant cohésion sociale, respect des autres et surtout de soi-même grâce à la pratique du rugby.

Mais comment poursuivre son action au travers d’un sport de contact, à l’ère des gestes barrières ?

Ronan Appriou, directeur de Drop de Béton, se rappelle parfaitement le moment où il a appris l’annonce du confinement du pays. L’association était en réunion d’équipe avec l’ensemble de ses dirigeants.

« Cela tombait bien, explique-t-il avant de se reprendre. Enfin cela ne tombe jamais bien… mais on était tous là en même temps pour discuter de ce que nous allions faire ».

L’annonce est vécue comme un coup de massue : 90% de leur activité allaient être à l’arrêt pendant la période habituellement la plus chargée de l’année (mars, avril, mai).

La seule action maintenue, c’était la dimension d’insertion professionnelle qui a été réalisée en visio-conférence ou par appel téléphonique. Mais l’insertion par le sport, le coeur de l’activité de Drop de Béton, s’est retrouvée à l’arrêt complet.

Les salariés et les bénévoles de l’association ont donc fait la seule chose possible : suivre de près la situation et attendre, tout en préparant une batterie de scenarii différents pour tenter d’anticiper la reprise.

Le déconfinement arrive et l’activité peut bientôt reprendre.

Dès le mois de mai, la ville de Mérignac où Drop de Béton a son siège social, les intègre dans son dispositif éducatif et ludique 2S2C* qui permet aux élèves de compléter leur demi-journée de cours avec une demi-journée d’activité.

Cette activité les occupe jusqu’au 2 Juillet, date à laquelle les actions en pied d’immeuble reprennent.

Depuis lors, ils sont dans les quartiers tous les jours, voire deux fois par jour, au pied d’une quinzaine d’immeubles.

* Dans le cadre de la reprise progressive des cours dans les écoles et les collèges, le dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C) a pour objectif d’offrir aux élèves des activités éducatives sur le temps scolaire, pour compléter le travail en classe et/ou à la maison.

Comment adapter un sport de contact à la distanciation sociale ?

Drop de Béton a suivi les recommandations successives de la Fédération Française de Rugby pour faire évoluer son programme au fur et à mesure des changements.

Les débuts ne sont pas évidents puisqu’il était même interdit de se faire des passes avec le ballon.

L’association ne s’est pourtant pas démontée devant la contrainte. Ils ont toujours beaucoup travaillé sur la personne, sur l’acceptation de soi, du sol, du contact et du ballon.

Les activités sont donc adaptées pour se concentrer sur cette dimension individuelle lors d’ateliers, tout en ajoutant des temps de réflexion collective.

Les contraintes matérielles sont donc relativement simples à résoudre : la nouvelle organisation nécessitait surtout davantage de matériel (pour que chacun puisse avoir son propre ballon) et d’un peu plus d’espace pour que la distanciation sociale soit respectée.

La Fédération Française de Rugby a ensuite permis de faire des passes avec le ballon. Cela ajoute le besoin fastidieux de se laver les mains et le matériel avant et après chaque atelier, mais celui-ci est vécu comme une contrainte bien faible quand cela permet de reprendre les activités collectives.

Aujourd’hui, le contact est de nouveau accepté par la Fédération et les activités de pieds d’immeubles de Drop de Béton commencent de plus en plus à retrouver le visage d’avant confinement.

Ronan souhaite déconstruire l’image de sport de contact qui colle à la peau du rugby : c’est une partie de la réalité, mais il y a bien plus que cela à vivre sur le terrain, de valeurs à partager autrement qu’au travers d’une mêlée.

Ballon de rugby avec le logo Drop de béton

Les actions de proximité ont le vent en poupe

Comme au rugby, la vie associative demande une adaptation permanente aux conditions du terrain. Après un arrêt quasi-complet de l’activité, Drop de Béton a donc dû faire face à la problématique inverse.

« Nous avons aujourd’hui plus de sollicitations pour faire plus d’actions… et à chaque action, il y a plus de monde ! »

Et la peur de la maladie est bien peu présente chez les participants qui se réjouissent de pouvoir enfin revoir du monde et de retrouver de l’animation dans leur quartier.

Mais le besoin de retrouver du contact humain post-confinement n’explique pas seul l’affluence aux actions de Drop de Béton.

L’Etat préconise actuellement de développer des actions de proximité… et nous le faisions déjà ! C’est même notre principe et notre grande force !

Ronan Appriou, directeur Drop de Béton

Drop de Béton réalise ses actions en pied d’immeubles depuis 25 ans. Mais cela fait aussi depuis près d’une décennie que l’association participe à l’organisation de vacances apprenantes. Ce sera donc l’une de leurs grandes activités de l’été, intervenant avec d’autres acteurs pour animer les vacances de jeunes qui passent la matinée à travailler et l’après-midi sur des activités nature ou rugby.

Ronan nous explique combien ces matinées studieuses sont importantes pour la remise à niveau scolaire des élèves. « C’était déjà important avant, et ça l’est encore plus après cette période de confinement », précise-t-il.

Vers de nouvelles actions

Mais si les actions de Drop de Béton ont maintenant pu reprendre à un niveau proche de la normale, cette période a tout de même été l’occasion d’imaginer de nouvelles évolutions. C’est d’ailleurs l’un des grands axes du partenariat que la Fondation Société Générale a noué auprès de l’association : l’accompagner sur ses nouveaux développements.

Ronan Appriou nous présente ainsi sa vision 2021, avec la mise en place d’actions d’insertion professionnelle séparées des moments rugby.

« On s’est inspiré des escape games pour faire découvrir les métiers des entreprises du quartier. On proposera ainsi des énigmes et des défis pour créer du lien au travers d’échanges informels sur le vécu dans l’entreprise ».

L’essaimage est également toujours d’actualité même s’il a été freiné par la période. Mais Drop de Béton s’appuie toujours sur des structures locales pour porter l’action après un temps de formation, « à condition que cela crée de l’emploi », précise-t-il.

Une autre action accompagnée par la Fondation Société Générale dont le partenariat est présenté comme fondamental pour l’association qui compte désormais 13 salariés.

« Nous n’en serions pas là où l’on en est aujourd’hui sans eux. Ils nous ont donné les moyens de nous structurer ».

Quand il repense à ce jour de Mars où l’activité s’est complètement arrêtée, il ne peut pas s’empêcher de partager ses inquiétudes : « nous avions peur de ne rien faire du tout de l’année et cela aurait été dramatique… mais dès que l’on a accepté la situation, on a pu développer d’autres activités ».