Former et insérer les musiciens de demain : 12 projets au cœur du mécénat musical

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Photo : Le Jardin des Voix de la Fondation des Arts Florissants

 

Comment se fabrique un musicien ou une musicienne d’exception ? D’excellents professeurs, du talent, beaucoup de travail sont essentiels mais le chemin de s’arrête pas là. Pour trouver sa place dans un marché très concurrentiel, les jeunes artistes doivent de plus en plus compléter leur formation et leur connaissance du milieu artistique professionnel. 


De passionnantes initiatives ont fleuri depuis une vingtaine d’années et la Fondation Société Générale, consciente de cette évolution, est le mécène de nombre d’entre elles. L’abbaye de Royaumont, dont le tout nouveau dispositif Campus vient d’être soutenu par la Fondation Société Générale, fait le même constat. « Cela n’a jamais été facile pour des jeunes artistes de trouver du travail mais c’est devenu plus compliqué aujourd’hui d’avoir le temps d’évoluer artistiquement, de chercher, de se former, d’expérimenter », analyse François Naulot, son directeur général. « Le secteur, depuis la pandémie, s’est tendu. » 


« Nous n’avons jamais eu autant de partenaires sur le volet “insertion professionnelle” de notre mécénat musical », renchérit Anne-Gaëlle Monot, chef de projet Musique et Mécénat pour la Fondation Société Générale. Douze dispositifs sont actuellement soutenus, sur une liste en constant renouvellement, témoin que l’attention aux premiers pas des jeunes artistes dans la carrière fait partie de l’ADN du mécénat musical de l’entreprise. 


Ainsi, depuis 1988, des bourses sont données aux étudiants des deux conservatoires nationaux supérieur de musique et de danse (CNSMD) de Paris et Lyon, les deux établissements les plus prestigieux pour se former à la musique dans notre pays. Elles permettent parfois l’achat d’un instrument de niveau professionnel, la participation à un concours international ou la location de matériel indispensable à une tournée. Au‑delà du geste financier, ces bourses valident un projet professionnel et rassurent les jeunes musiciens sur la possibilité de construire une trajectoire durable.


Première expérience exigée


Dans le monde de l’entreprise, pour que les jeunes diplômés puissent comprendre le fonctionnement du monde du travail, il existe des stages. Dans le monde musical, l’équivalent n’est pas facile à trouver, notamment dans la pratique collective. Pour apprendre à jouer dans un orchestre — c’est‑à‑dire dans un collectif de plusieurs dizaines de musiciens — il n’existe pas de raccourci : il faut jouer. Des académies d’orchestres se sont ainsi développées. 


Certaines ont plusieurs décennies d’existences comme Le Jeune Orchestre de l’Abbaye aux Dames (JOA) de Saintes, créé en 1996. Il s’est imposé comme une référence européenne, proposant aux instrumentistes en fin d’études un travail sur instruments baroques ou classiques et un contact soutenu avec des chefs de renom comme Philippe Herreweghe ou Hervé Niquet. Cinq résidences annuelles et des concerts au Festival de Saintes (Charente) fournissent aux jeunes une expérience d’orchestre professionnelle et répétée, indispensable pour partir en tournée ou postuler dans des formations permanentes. Le JOA multiplie aussi les ateliers de sensibilisation au travail d’ensemble et organise des auditions réelles pendant les résidences, ce qui facilite l’embauche ultérieure dans d’autres projets.


Dans la continuité, Insula Camerata est né « d’une volonté primordiale de transmission de la part de Laurence Équilbey et d'Insula Orchestra », explique Clarisse de Conti, l’administratrice d’Insula Camerata. « Après un peu plus de dix ans d'activité, les musiciens de l’orchestre souhaitent partager leur expertise avec une nouvelle génération. L’académie rassemble aujourd’hui 32 jeunes de 12 nationalités. Le but est à la fois de parfaire le métier de musicien d’orchestre et de les aider à s’insérer dans le réseau des ensembles spécialisés. » Les étudiants travaillent dans des conditions proches du monde professionnel : répétitions intensives, auditions internes, rencontres avec des directeurs artistiques et participation à concerts publics qui servent de vitrines pour leur carrière naissante.


L’ouverture européenne est un des points forts de l’Escuela Superior de Música Reina Sofía, à Madrid. Fondée en 1991 par Paloma O’Shea, l'école attire chaque année des talents du monde entier et garantit l’accès aux études par des bourses intégrales et des prêts d’instruments. Reconnue pour son approche pédagogique personnalisée, elle offre en moyenne vingt concerts par étudiant et, selon ses statistiques, l’insertion professionnelle des anciens atteint 100 %. Le programme de musique ancienne, soutenu par la Fondation depuis septembre 2021 et dirigé par Paul Goodwin, propose 120 heures annuelles centrées sur la pratique individuelle et collective, la musique de chambre et l’orchestre, afin de répondre aux besoins croissants des ensembles baroques et historiques. 


Choisir ses collègues : la musique de chambre


Les concerts de musique de chambre, impliquant une poignée de musiciens sont un très bon débouché pour les jeunes artistes. Prisés par les programmateurs car ils sont moins coûteux et plus souples que les cessions d’orchestre, ils permettent une prise de risque artistique – la mise en avant des talents nouveaux - sans prise de risque financière. Si la formation initiale en conservatoire mise beaucoup sur cette pratique « chambriste », encore faut-il aux jeunes professionnels l’occasion de trouver le ou les bons partenaires professionnels. 


La Fondation Société Générale l’a compris depuis longtemps. La musique de chambre reçoit un accompagnement spécifique grâce au partenariat entre ProQuartet et le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), qui a créé un diplôme de 2e cycle supérieur en quatuor à cordes. « Ce programme comprend des master‑classes, des ateliers de création et de médiation, le mentorat du Quatuor Ébène, ainsi qu'une année dédiée à la diffusion professionnelle en partenariat avec des structures culturelles », détaille le CNSMDP. Ulrich Möhrle, responsable du mécénat musical à la Fondation, résume : « La force de ce master est de faire travailler ces deux institutions ensemble, en synergie ». Ce diplôme forme des ensembles capables de porter un projet artistique complet - de la création à la communication - et d’assurer leur propre diffusion, compétence devenue vitale dans un secteur où l’autonomie est souvent requise.


Autre projet favorisant la spécialisation de jeunes artistes, l’Académie Ravel est une nouvelle recrue dans la famille des partenaires de la Fondation bien qu’elle soit réputée pour l’interprétation de la musique française depuis 50 ans. Chaque été sur la Côte basque, l’héritage de Maurice Ravel, natif de la région, est au cœur de l’Académie : pour passer les sélections fin juin, les jeunes présentent une pièce du compositeur. Intégré au Festival Ravel, l’Académie est un modèle de transmission : le directeur artistique du festival, le pianiste de renommée international Bertrand Chamayou, est un ancien élève. « A l’époque, nous restions entre nous, entre académiciens. C’étaient formidable d’enchaîner les cours, d’écouter les copains avant d’aller ensemble à la plage ! Nous étions dans une bulle. Aujourd’hui, je veux que festival et académie soient plus cimentés, que les jeunes assistent aux concerts et que les artistes confirmés puissent découvrir des jeunes. » 


L’opéra, un défi d’insertion 


Si ces jeunes musiciens de quatuors ont déjà trouvé leurs partenaires de jeu, ce n’est pas le cas pour beaucoup de solistes, les chanteurs et chanteuses notamment. Ceux-là doivent intégrer une troupe, le temps d’une production, trouver leur place en un temps record. Plusieurs partenaires du mécénat musical de Société Générale viennent combler cette partie de l’apprentissage. 


La Fondation les Arts Florissants a mis en place plusieurs actions de transmission et de formation des jeunes musiciens. La plus emblématique est l’Académie biennale du Jardin des Voix, créée en 2002, qui a déjà révélé bon nombre de nouveaux chanteurs, et particulièrement le partenariat entre William Christie, les Arts Florissants et la Juilliard School de New York.  Cette initiative permet, depuis 2007, un véritable échange artistique franco-américain. Les artistes des Arts Florissants, les élèves de la Juilliard School et les lauréats du Jardin des Voix se produisent ensemble chaque été au Festival « Dans les Jardins de William Christie » lors de concerts dans les fabuleux espaces paysagers créés par William Christie dans sa propriété de Thiré, en Vendée. 


L’Opéra national du Rhin combine formation et invention scénique. Son Opéra Studio est une véritable école supérieure, passerelle entre la formation initiale et l’entrée dans le monde professionnel : les chanteurs y acquièrent l’expérience de rôles importants et la compréhension des fonctions nombreuses nécessaires à la fabrication d’un opéra. En parallèle, Opéra Volant – forme nomade imaginée pour atteindre des publics éloignés – impose des contraintes techniques nouvelles (décors démontables, format transportable, spectacle en français) qui obligent les équipes artistiques à innover. Ces dispositifs multiplient les opportunités de travail pour les jeunes chanteurs et renforcent leur capacité d’adaptation, compétence‑clé sur le marché de l’emploi culturel.


Le Festival international d’art lyrique d’Aix‑en‑Provence, via son Académie, favorise la recherche et l’expérimentation. Résidences, mentorat, ateliers multidisciplinaires et rencontres avec des artistes de réputation internationale offrent aux lauréats un espace pour élaborer des projets originaux et établir des connexions professionnelles utiles pour la suite de leur carrière. Le format aixois privilégie l’échange entre générations et la confrontation aux enjeux actuels de la création musicale et scénique.


Royaumont articule formation intensive, auditions et réseau. Le Campus, concentrant deux à trois semaines de stages l’été, attire un grand nombre de candidatures — « 500 candidatures pour 65 places », précise François Naulot. « On prend en compte la maturité du parcours et le potentiel de développement. Très vite, des auditions se font sur une base de session de travail, pour que le jeune n’ait pas juste vingt minutes avant de sortir de la salle. » Complémentaire des conservatoires, le Campus propose aussi des rencontres internationales et favorise la création d’une communauté d’anciens. « La participation au campus est associée à un engagement dans notre saison et des tournées en France et à l’étranger. On organise des auditions sur mesure pour des chefs et des directeurs de casting : ils savent qu’ils trouveront à Royaumont une belle sélection d’artistes. » Ces mises en relation concrètes transforment une session estivale en opportunité professionnelle durable et une chance d’étoffer son carnet d’adresse.


Au fil de ces parcours — bourses individuelles, académies spécialisées, diplômes dédiés au quatuor, formations lyriques, initiatives de diffusion itinérante et résidences internationales — se tisse un écosystème. Chaque projet répond à un besoin précis : créer des expériences collectives, développer des savoir‑faire historiques, offrir des vitrines professionnelles ou inventer des formats de diffusion. Ensemble, ils permettent au jeune musicien de transformer un talent prometteur en une carrière durable.


La Fondation Société Générale, par son soutien et sa stratégie d’accompagnement, joue un rôle de catalyseur : elle fédère des institutions, multiplie des passerelles entre les propositions. Parce que former un musicien d’exception est un acte collectif, ces douze initiatives en sont les maillons convergents : elles donnent du temps, des moyens, des rencontres — et surtout, elles ouvrent des portes concrètes vers le monde professionnel.