Escrime, éducation et justice réparatrice

Convaincue que le sport est un vecteur d’insertion et d’inclusion, la Fondation Société Générale s’engage auprès d’acteurs associatifs du socio sport à travers toute la France, ainsi qu’à l’international. Découvrez un de ses partenaires, l’Association Pour le Sourire d’un Enfant (APSE), basée à Thiès au Sénégal, qui se sert de l’escrime pour prévenir la récidive. 
Nelly Robin, sa présidente, et co-fondatrice de la méthode Escrime et Justice réparatrice, partage avec nous sa vision.

Nelly, pouvez-vous présenter votre association et les projets soutenus par la Fondation Société Générale ?

L'Association pour le Sourire d'un Enfant a été créée en 1988, et agréée par le ministère de la justice du Sénégal en 1999. Elle travaille spécifiquement avec les mineurs en contact avec les services judiciaires dans une approche holistique, qui va de la prévention à l'apprentissage de compétences et au développement personnel positif, jusqu'à la réinsertion. Le sport a toujours été un élément central dans notre pédagogie à destination de ces jeunes, filles et garçons. Depuis 10 ans maintenant, on a conçu une méthode spécifique inédite. C’est la méthode « Escrime et justice réparatrice », qui s’attache à répondre aux nouvelles problématiques sociales et psychologiques, de plus en plus complexes, des mineurs en détention. Cette méthode a vocation à mobiliser des procédés éducatifs qui appartiennent à l'escrime pour un travail psychothérapeutique avec et par ces mineurs. La reconstruction s’oriente autour de 5 notions : l’identité, la socialisation, le contrôle de soi, la responsabilité et la cognition. Parallèlement, nous disposons d’un centre d'accueil pour les mineurs en danger et nous déployons nos activités à des fins de prévention dans les quartiers précaires.

Nelly Robin, présidente et co-fondatrice de l’Association Pour le Sourire d’un Enfant
Crédit photo : Edouard Monfrais-Albertini

Que vous apporte le partenariat avec la Fondation Société Générale ?

Tout d’abord, il nous permet d’entrer dans cet écosystème du sport-développement. Nous avons créé la méthode « Escrime et justice réparatrice » afin de rompre avec le cycle de récidive des mineurs en détention. Nous travaillons depuis 30 ans dans le domaine de la justice juvénile, nous étions moins familiers de l’univers du sport-développement. Ensuite, la Fondation Société Générale nous a mis en contact avec d'autres partenaires potentiels et nous a donné une visibilité que nous n'avions pas forcément. Nous sommes une petite association, très centrée sur son action et qui oublie souvent d'en parler. Là, nous nous sentons soutenus, incités et stimulés. Mobiliser le sport dans la solidarité est désormais répandu, mais entreprendre une démarche qui agit effectivement sur l'identité de la personne, je ne suis pas certaine que cela soit si développé que ça.

Quels sont les enjeux de votre association pour l'année 2024 ?

Nous lançons l'Académie « Escrime et justice réparatrice ». Notre méthode a été écrite en 60 leçons, avec des professionnels du sport, de l'enfermement et des psychiatres. Après avoir éprouvé cette méthode avec différents publics, nous avons engagé un transfert de compétences vis-à-vis des acteurs institutionnels locaux que sont les personnels pénitentiaires et les éducateurs spécialisés du ministère de la Justice du Sénégal. Nous avons aussi conçu une formation pour les mineurs, ex-bénéficiaires, qui eux-mêmes deviennent animateurs grâce à un diplôme d'animateur « Escrime et justice réparatrice ». Cette offre va être proposée à l’international à tous les éducateurs, personnels pénitentiaires ou éducateurs spécialisés des ministères de la Justice dans le monde qui voudraient se former. Notre défi est de mettre en œuvre cette Académie, puis progressivement de construire une communauté internationale autour de cette méthode pour qu'elle continue à vivre et à évoluer.

Le deuxième enjeu de notre association est de mobiliser cette méthode « Escrime et justice réparatrice » en étroite collaboration avec les magistrats du Sénégal à des fins de prévention. Actuellement, nous travaillons avec les magistrats du parquet, c'est-à-dire les procureurs, pour que cette méthode soit une réponse mobilisée par les magistrats en lieu et place de l'incarcération, ce qu'on appelle en France une mesure de réparation pénale. Concrètement, le procureur dira aux jeunes : « Je ne t'envoie pas en prison, mais tu dois participer à tant de séances par semaine », avec une feuille de route bien précise. Si l'engagement n’est pas respecté, c'est la case prison. C’est un vrai enjeu pour nous que les acteurs de la justice valident cette méthode pour qu’elle devienne une alternative à la détention. Au Sénégal, chaque année, plusieurs centaines de jeunes sont placés en détention.