Licht de Stockhausen : un défi immense pour le balcon
L’histoire de la musique est jalonnée de défis musicaux. À chaque siècle, un compositeur lève la barre un peu plus haut que ses prédécesseurs : il met plus de musiciens, il invente des formes plus audacieuses ou mobilise des instruments nouveaux. Si le XIXe siècle avait Richard Wagner, le XXe aura eu Karlheinz Stockhausen (1928-2007). Ce compositeur allemand a composé entre 1977 et 2003 une œuvre extraordinaire : Licht, un cycle de 7 opéras.
« Licht est l’œuvre la plus ambitieuse du XXe siècle », souligne Maxime Pascal, directeur musical de l’ensemble Le Balcon. « Ses 29 heures de musique mobilisent des moyens techniques et artistiques extraordinaires. Stockhausen, le plus grand compositeur de son temps, a consacré toute la fin de sa vie à cette seule œuvre, immense et visionnaire. Il n’y a pas de comparaison possible ». En 2018, le chef et ses musiciens ont relevé le défi de jouer le cycle en entier, sur plusieurs années, à la Philharmonie de Paris et à l’Opéra de Lille notamment, avec le soutien de la Fondation Société Générale, mécène de l’ensemble, de l’opéra lillois et de la fameuse salle parisienne.
« Si, à l’époque de Stockhausen, un tel cycle était difficile à concevoir et à réaliser, poursuit Maxime Pascal, il est aujourd’hui à portée de main. A l’époque, le compositeur avait imaginé quatre hélicoptères dans lesquels quatre musiciens jouent la même musique en même temps. Coordonner ces prestations musicales dans un tel contexte était impossible. Aujourd’hui, rien de plus facile que de réunir dans un même lieu des musiques réalisées simultanément à distance : on l’a observé pendant le confinement. « Licht préfigure l’avènement du réseau », commente Maxime Pascal.
Pour chacun de ces opéras, Stockhausen a attribué un jour de la semaine, une couleur, une planète, une pierre précieuse et un parfum. Il imagine une recréation du monde à travers l’existence, l’union et la confrontation de trois entités : Michael, Eva et Lucifer. La musique n’est pas seule, puisque Stockhausen a écrit la danse, les gestes et les livrets. Cinq de ces opéras ont été créés de son vivant. La création des deux derniers, Mittwoch aus Licht (mercredi de lumière) et Sonntag aus Licht (dimanche de lumière), est posthume (2012 et 2011).
Le Balcon a commencé le cycle en 2018 par Donnerstag aus Licht (jeudi de lumière) puis Samstag aus Licht (samedi) en 2019, Dienstag aus Licht (mardi) en 2020, Freitag aus Licht (vendredi) en 2022. Du 16 au 20 novembre 2023, le Balcon sera en mesure de jouer Sonntag aus Licht (dimanche), épisode qui célèbre l’union mystique de Michael et Eve, ainsi que le bannissement de Lucifer. Pour réaliser les cinq temps de cet opéra, Maxime Pascal a mobilisé ses musiciens de l’ensemble Le Balcon mais aussi de futurs professionnels : les musiciens et musiciennes de l’Orchestre du Conservatoire de Paris et de la
Maîtrise de Paris du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris. Nul doute que cette expérience sera fondatrice pour cette nouvelle génération d’interprètes.
D’ici 2028, Le Balcon aura réussi à reconstituer les sept opéras en entier, et les donnera sur les sept jours de la semaine, pour donner l’œuvre telle que rêvée par Stockhausen. Ce sera la première fois que la direction artistique de ces opéras sera assurée par des personnes extérieures à la famille du compositeur.