Un concours de jeunes musiciens à la mémoire de Nadia et Lili Boulanger

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La fondation Société Générale  soutient en 2021 le Centre international Nadia et Lili Boulanger (CNLB) pour l’ensemble de ses activités et afin d’accompagner cette institution contribuant à la diversité et la vivacité du patrimoine musical français aujourd’hui.  A l’occasion du 11e concours international de chant-piano organisé par le CNLB du 9 au 12 décembre, nous publions un entretien avec Alexandra Laederich, sa déléguée générale. 

Gary Beecher et Erika Baikoff, Grand prix de duo, 10e Concours international de Chant-Piano Nadia et Lili Boulanger - Paris 2019.

Qui sont Nadia et Lili Boulanger ?

Deux brillantes musiciennes, deux précurseurs dans la société de leur époque, deux sœurs très unies, nées respectivement en 1887 et 1893. Issues d’une famille de musiciens depuis trois générations, elles deviennent de manière presque naturelle des prodiges de la musique. Nadia, l’aînée, entre au Conservatoire de Paris à 9 ans. Elle étudie le solfège, l’harmonie, l’orgue et le piano, puis la composition dans la classe du compositeur Gabriel Fauré. Après avoir obtenu ses prix au Conservatoire, elle prend le risque de se présenter en 1908 au concours du Prix de Rome, prestigieuse compétition qui ouvre alors aux compositeurs (et jamais jusque-là aux compositrices) les portes de Villa Médicis à Rome. En fine musicienne, elle ose bousculer les codes de ce prix conservateur, aux règles strictes et académiques. Maurice Ravel s’était présenté lui aussi, dix ans auparavant, sans succès malgré cinq tentatives. Nadia Boulanger est considérée comme une musicienne originale, par son style et par le fait qu’elle s’impose en tant que femme. Son travail sera critiqué par le compositeur Camille Saint-Saëns, membre du jury de grande influence et conformiste. Elle échoue et échouera encore l’année suivante en 1909. Mais, deux ans plus tard, sa petite sœur se présente à son tour.

Le destin de Lili Boulanger est exceptionnel… et tragique

Elle était une aussi brillante musicienne que sa sœur, jouant du violon, du piano, de la harpe, de l’orgue et chantant. En 1910, Lili décrète qu’elle sera compositrice. Malheureusement, elle a une santé très fragile : aujourd’hui l’on suppose qu’elle était atteinte de la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire de l’intestin. Elle n’a pas pu étudier avec assiduité, prise dans une lutte constante entre la nécessité de préserver sa santé et le besoin d’exprimer sa créativité. Elle a suivi les cours de composition à domicile. En 1913, elle se présente au Prix de Rome, en respectant les règles que sa sœur avait espéré contourner et… elle le gagne ! Elle sera la première femme à remporter le prestigieux Grand prix de Rome de composition musicale. Nadia est très admirative de sa sœur de 19 ans mais la vie de Lili va prendre fin très rapidement : elle meurt en 1918 des suites de sa maladie. Elle est l’auteur, néanmoins, de magnifiques œuvres pour piano, voix, musique de chambre et orchestre.  

Prix de lied 2017 Sophia Burgos, soprano et Daniel Gerzenberg, pianiste.

Comment Nadia a-t-elle marqué l’histoire de la musique ?

À jamais inconsolable, Nadia n’en continuera pas moins, de façon formidablement active, sa carrière d’interprète comme chef d’orchestre et chef de chœur - elle fut une pionnière dans ce domaine - et comme pédagogue jusqu’en 1979. Professeur hors du commun, elle a exercé une influence considérable sur la vie musicale du 20e siècle. Parmi ses très nombreux élèves, en France et à l’étranger, se distinguent des célébrités comme Daniel Barenboïm, Leonard Bernstein, Aaron Copland, John Eliot Gardiner, George Gershwin, Philip Glass, Quincy Jones, Michel Legrand ou Astor Piazzola. Beaucoup sont venus étudier avec elle au Conservatoire américain de Fontainebleau ou dans son appartement parisien devenu célèbre, situé 36 rue Ballu.

Nadia Boulanger a peu composé, par humilité envers le talent de Lili, et surtout, elle refusait que ses propres compositions soient jouées. Les membres du conseil d’administration du CNLB ont, depuis peu, accepté d’assouplir cette réticence. Trois volumes de mélodies ont été récemment publiés. Sa Fantaisie pour piano et orchestre est de plus en plus souvent jouée. Quant à son opéra La Ville morte – composé en 1912 sur un livret de Gabriele d’Annunzio en collaboration étroite avec Raoul Pugno, l’amour de sa vie, mort prématurément – il a été donné récemment à Göteborg, en Suède

Quelle est la mission de Centre international Nadia et Lili Boulanger ?

Le CNLB est l’héritier moral des deux musiciennes. Il a pour mission de préserver, valoriser et mettre à la disposition des mélomanes et des interprètes leur patrimoine musical. Il soutient de jeunes artistes de très haut niveau par l’attribution de bourses d’études et par l’organisation, tous les deux ans, du Concours international de piano-chant. Sa toute prochaine édition aura lieu du 9 au 12 décembre 2021. Les candidats ont répondu nombreux à ce concours international très exigeant : 36 duos chant-piano de 14 nationalités ont été sélectionnés cette année.

La salle du CNSAD.

Quel est le principe de ce concours ?

Son but est de défendre l’art du récital de chant-piano et son répertoire très riche. Les candidats se présentent en duo dans un programme de lieder et de mélodies (parmi lesquelles celles de Nadia et Lili Boulanger). L’une des fonctions du concours est de mettre en valeur les noms des deux sœurs et de leur donner une actualité et une contemporanéité. Le Concours est une des vitrines du CNLB auprès des jeunes musiciens, des professionnels et du grand public. En outre, le CNLB passe commande à une compositrice ou un compositeur : en 2021, Isabelle Aboulker a composé une mélodie que tous les candidats doivent présenter. C’est un cercle vertueux : grâce à la renommée de Nadia et Lili Boulanger, le concours est connu dans le monde entier, et grâce à sa réputation et son haut niveau, la mémoire et la musique des deux sœurs restent très présentes.

Comment peut-on le suivre ?

Il a toujours lieu à Paris dans la salle (mythique !) du Conservatoire d’Art dramatique (2bis, rue du Conservatoire Paris 9e). C’est dans ce magnifique théâtre que le public parisien a pu entendre pour la première fois les symphonies de Beethoven et la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz sous la baguette du compositeur. Toutes les épreuves du concours sont ouvertes au public. La demi-finale et la finale seront en plus diffusées en direct sur la plateforme web Recithall.com